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Photo du rédacteurMarc Lohez

Périgord : le mariage du caviar et de la truffe

Dernière mise à jour : 11 déc. 2024

Eté 2022 : d’une une prairie périgourdine couverte de coquelicots, des centaines de plants protégés émergent à peine. Il s’agit de jeunes chênes et charmes microrrhizés, c’est-à-dire préparés pour produire des truffes d’ici quelques années. Une truffière en Dordogne, rien d’inhabituel ni de bien exotique me direz-vous. Mais ici, il s’agit des terres du domaine de Neuvic qui produit du caviar depuis une dizaine d’années[1]. On se perd donc à se demander si la truffe s’est installée dans le domaine du caviar ou si le caviar s’est invité au pays de la truffe.

La trufficulture est bien plus anciennement installée en Dordogne que l’esturgeon. Mais cette production enracinée présente quelques analogies avec la production de caviar : l’ancienne récolte de truffe a décliné depuis au XXème siècle. Elle a laissé la place à une truffe cultivée et le développement des truffières cultivées a été accompagné par l’INRA. Les élevages d’esturgeon quant à eux doivent leur émergence à l’impulsion du CEMAGREF à la suite d’un programme de sauvetage de l’espèce locale en danger d’extinction. On peut également trouver des similitudes dans les contraintes de productions, notamment le temps particulièrement long qui sépare la mise en culture et les premières récoltes. Il faut en effet près de dix ans entre la plantation des arbres et les premières récoltes. Le prix approche celui du caviar ; sur les marchés de Sarlat et de Sainte-Alvère, les prix de la saison 2021-22 ont oscillé entre 600 et 900 € le kilo[2]. Les truffières se visitent, avec démonstration de cavage et dégustation. Enfin, comme pour le caviar, la saison se concentre autour des fêtes. Mais c’est aussi avec la truffe que le rapport au territoire est le plus ambigu : la truffe « dite » du Périgord, appellation botanique et non géographique, est en fait cultivée aussi bien au sud-ouest au sud-est de la France, où se situe d’ailleurs la majorité de la production française de tuber melanosporum[3].

Deux formes de rapprochements différents entre l’esturgeon, le caviar et la truffe peuvent être constatées en Dordogne. On observe en effet l’utilisation de la truffe dans les produits issus des élevages d’esturgeon ou l’appropriation de l’image de la truffe du Périgord par le caviar produit en Dordogne. Dans le cas du caviar, c’est bien d’une association d’image dont il s’agit : la truffe noire du Périgord, tuber melanosporum, est bien présente dans le catalogue de caviar de Neuvic, sous forme de préparation (sel, beurre, rillettes d’esturgeon à la truffe). Plus à l’est, aux Eyzies, c’est la marque même du producteur qui évoque la truffe : la « Perle noire du Périgord ». L’assimilation de la truffe à un joyau, par ses qualités sa rareté et son prix est largement due à l’ouvrage « Physiologie du goût » de Brillat-Savarin : « la truffe est le diamant de la cuisine ».





carte interactive des producteurs de caviar en Dordogne

La plantation d’arbres truffiers sur les terres d’un éleveur d’esturgeon est un pas supplémentaire dans la marche bien engagée de l’intégration du caviar au patrimoine gastronomique et touristique du Périgord. D’autres associations avec les produits emblématiques du département (foie gras, noix etc.) dans les lieux de ventes comme à Sarlat ou lors de manifestations agri-touristiques montrent les liens étroits tissés entre les pisciculteurs et les autres producteurs de Dordogne. Le caviar des bords de l’Isle et de la Vézère est donc pleinement intégré au « panier de biens » du Périgord.





[1] Voir le post de blog https://caviar-de-neuvic.com/parlons-caviar/des-truffes-au-domaine/ [2]https://rnm.franceagrimer.fr/prix?M0166:MARCHE [3] Dans le cas des plantations du domaine de Neuvic, il faut ajouter qu’elles ne se limitent pas à la truffe du Périgord : il y a aussi pour moitié des plants préparés pour produire de la truffe de Bourgogne.

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