La diffusion des cultures exotiques dans l’hexagone passe aussi (et parfois d’abord) par les jardins particuliers, les vergers et potagers amateurs. Les pépinières et notamment les pépinières paysannes comme Maathai ne se contentent pas de proposer ces insolites à la vente : ce sont des acteurs de découverte et d’échanges où la curiosité ne va pas sans une démarche environnementale forte.
Juin 2024 : l’opération vide-pépinière qui marque la fin de saison permet aux visiteurs de se fournir en aromatiques, plantes médicinales, fruitiers et plantes potagères. Parmi les plants exposés sous la serre, quelques étiquettes attirent l’œil : grenadier, fruit de la passion, Curcuma, gingembre. Les plantes insolites tiennent une place de choix dans la pépinière Maathai. Cette exploitation doit son nom à Wangari Maathai, une kényane activiste des droits de l’homme et du combat pour l’environnement. Ses campagnes de plantation d’arbres qui visaient à la fois à protéger la nature et à lutter contre la pauvreté lui ont valu le prix Nobel de la Paix en 2004. A Oraas près de Salies-de-Béarn, le jardin-verger au cœur de la pépinière est cultivé comme un système agroécologique où les arbres et les autres plantes se combinent en harmonie.
L’aventure agricole d’Elodie François commence par un projet d’autonomie alimentaire, en lien notamment avec son goût pour les fruits. Mais le travail nécessaire pour faire grandir le verger et le jardin - bouturage, récolte des graines - conduit Elodie à développer une activité de pépiniériste et à s’installer comme agricultrice après l’obtention d’un BPREA. L’installation a été grandement favorisée par la démarche militante d’un kiwicultueur local qui a cédé une partie de son foncier à trois nouvelles exploitantes (une productrice de tisanes, une semencière et Elodie) et les accompagne dans ces premières années. L’ensemble forme un groupe complémentaire et uni.
Quand les insolites apprivoisent les jardiniers locaux
Elodie François attribue sa production de plants insolites à sa curiosité et sa créativité d’ancien artisan créateur. Elle trouve un même intérêt à ces plantes exotiques et aux variétés anciennes ou oubliées, souvent associées chez les producteurs qui tiennent à un mode d’exploitation paysan. Pour faire adopter ces plantes au goût différent, il faut une opération séduction : ainsi la poire-melon dont le nom présente bien l’association de saveurs est une solanacée, que l’on va ainsi pouvoir proposer à ceux qui cultivent déjà les tomates ou les aubergines.
Le poivre du Sichuan : une production qui ne manque pas de piquant
Présent depuis quelque temps dans les ventes des pépiniéristes, Zanthoxylum piperitum, est parfaitement adapté à nos climats, contrairement à la liane tropicale qui fournit le « vrai » poivre (Piper nigrum). Robuste, il produit des baies roses qui fournissent un poivre associant des saveurs épicées et fruitées pour qui n’a pas peur des nombreuses épines qui couvrent les branches. Mais c’est aussi ce caractère bien affirmé et défensif qui a séduit Elodie. Les récoltes qui s’annoncent cette année sont le résultat d’une longue phase de reproduction et de tests : les poivriers ont été plantés un peu partout dans le verger pour découvrir les meilleurs emplacements possibles. Dans le terroir du piment d’Espelette, pâtissier et glaciers des environs sont déjà intéressés par la production de Maathai.
Les ventes ancrent la pépinière dans le local : à la ferme, au marché de Salies-de-Béarn, dans des boutiques insolites comme un salon de thé, elles constituent un moment d’échange et de partage au-delà de l’acte commercial : Elodie François tient à discuter pour montrer son travail et propose des ateliers de poterie ou pour apprendre à multiplier les plantes, à organiser son potager.
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