L’élevage des grands camélidés
de Bernard Faye, Gaukhar Konuspayeva, Cécile Magnan
Quæ, Collection : Guide pratique
mai 2022, 200p
Ce livre qui fait partie de la collection « guide pratique » est aussi une invitation à la découverte pour ne pas dire au voyage dans le monde d’animaux exceptionnel et de leurs élevages traditionnels ou plus modernes et dont la géographie évolue. Il est écrit par trois auteurs dont la complémentarité est en elle-même une bonne illustration de la variété et des évolutions de l’élevage camelin. Bernard Faye, vétérinaire de formation, est une référence parmi les spécialistes des camélidés avec une longue expérience du terrain. La biochimiste Gaukhar Konuspayeva, professeur d’université au Kazakhstan est une spécialiste du lait de chamelle et de sa transformation. Cécile Magnan, vétérinaire équine a acquis l’expérience des soins à apporter aux camélidés après avoir recueilli chameaux et dromadaires âgés ou blessés issus du cirque.
Des champions de la nature
Après avoir rappelé l’histoire commune des camélidés (les petits camélidés du genre lama sont des cousins des chameaux et dromadaires), la répartition et la diversité des grands camélidés, les auteurs détaillent les capacités de ces animaux adaptés à des milieux rudes. On pourrait même parler de performances exceptionnelles pour ces athlètes du monde animal. Une amplitude thermique exceptionnelle, des ressources en eau limitées ? Qu’à cela ne tienne, on peut oublier les fièvres de cheval, car le dromadaire peut monter à 42° sans que l’on puisse parler de fièvre. Cette capacité est un des éléments qui permettent aux camélidés de lutter contre la déshydratation ; il faut y ajouter un sang abondant, des reins pouvant produire une urine très concentrée, la possibilité de se contenter d’une eau saumâtre entre autres mécanismes d’adaptation. Inversement, ils sont capables de se réhydrater à une vitesse qui mettrait en péril bien des organismes. Cette même efficacité se retrouve dans le système digestif qui permet à ces bêtes de se contenter de fourrages pauvres.
Par-delà des conseils techniques, la transmission d’une culture.
Mais le plus remarquable, c’est que l’ensemble de ces descriptions sur l’anatomie et la physiologie des grands camélidés se lit aisément et même agréablement. Ces qualités se retrouvent dans les chapitres consacrés aux techniques d’élevage. Les préconisations sont souvent accompagnées de références aux méthodes traditionnelles ce qui permet transmettre aux futurs éleveurs une certaine culture générale des élevages . Ainsi le passage sur les soins à apporter au chamelon fait il allusion à une technique touareg d’adoption par la chamelle qui a perdu son petit qui tient du psychodrame et qui est décrite d’une façon si efficace que l’on visualise bien la scène. Les descriptions sont par ailleurs illustrées de clichés nombreux sur les pratiques de l’Inde au Sahel en passant par l’Asie Centrale et la Péninsule Arabique.
L’extension du domaine des élevages
L’animal de service qu’est le dromadaire ou le chameau connait des utilisations multiples : animal de bat, de course et même de combat, il offre également une laine à l’isolation exceptionnelle (pour le chameau) et une viande peu grasse. La partie sur les produits issus de l’élevage est bien sûr dominée par la production laitière qui a fait l’objet de nombreuses recherches, dont témoigne le projet à l’origine de l’ouvrage. Il s’agit du projet Camel Milk, soutenu par l’Union Européenne, visant à faire progresser et à développer la production de lait. Produire du lait de chamelle de façon rentable représente un défi du fait de la longueur de la gestation (13 mois !) et des difficultés pour transformer ce lait léger et au délicat parfum d’amende mais aux protéines capricieuses. Cependant, l’ouvrage témoigne des progrès de la recherche pour pouvoir produire des fromages dans de bonnes conditions.
Par ailleurs, l’élevage dans nos contrées d’un animal rustique par son adaptation à des milieux hostiles nécessite des précautions : pour l’alimentation car nos pâturages pourraient être trop riches, pour les pathologies qui risquent d’être inédites dans le contexte climatique tempéré des espaces non méditerranéens de l’Europe et celui d’une itinérance plus limitée de ces animaux.
En France, cet ouvrage est attendu par une communauté de passionnés qui ont souvent commencé une activité d’élevage liée aux loisirs. Certains se lancent dans une production de lait, jusqu’ici réservé à un usage cosmétique : le lait a des vertus hypoallergéniques et il n’était jusqu’ici pas possible de vendre le lait pour un usage alimentaire. les toutes premières bouteilles de lait et de lait fermenté ont été commercialisées quelques semaines après la parution de cet ouvrage.
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